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19/09/2007

Le « Grenelle » vu par Guy Kastler

« L’Etat vise à instrumentaliser les ONG pour faire du business »

Le Courrier de la Baleine : Pourquoi avez-vous accepté de représenter les Amis de la Terre sur l’agriculture et les OGM ?

Guy Kastler : « Les Amis de la Terre me l’ont proposé en juin. La période électorale était derrière nous, il s’agissait de répondre à une consultation officielle et non plus de rentrer dans un jeu politique que j’avais auparavant refusé. Il n’y avait alors pas d’autres représentants des agriculteurs que la FNSEA dans les groupes de travail du Grenelle sur les modes de production et de consommation durables. Dans ce contexte, j’ai accepté, avec un objectif double : aller le plus loin possible sur un certain nombre de dossiers – semences et OGM notamment – et aider les milieux environnementaux à une prise de conscience sur l’agriculture.

 

LCB : Quelle est l’ambiance au sein des groupes de travail ? Peut-on aborder tous les sujets ?

G.K. : Les choses sont dites correctement dans l’ensemble. La nouveauté a été d’élargir la représentation de la société civile – syndicats et entreprises jusqu’ici – à un nouveau collège, celui des ONG environnementales. Dans le Grenelle, ce sont ces dernières qui font des propositions, avec une certaine concurrence des tensions entre l’Alliance et FNE pour : chacune souhaite devenir l’interlocuteur privilégié unique de l’Etat. La volonté d’apparaître comme un négociateur institutionnalisé de cette mise en scène politique et non en simple représentant de la société civile pousse certains représentants de FNE à rentrer dans les compromis avant même de commencer à débattre. En face, les lobbyings sont plus sur la défensive de façon à empêcher tout consensus. Pour eux,Ils savent que les principales négociations se déroulent à l’extérieur, directement avec l’Etat. C’est ainsi que courant juillet, une réunion s’est tenue au ministère de l’Agriculture mobilisant l’ensemble des représentants de l’agriculture au Grenelle (syndicats, Etat…)organisations agricoles. L’idée : éviter que le Grenelle ne débouche sur des mesures contraignantes. IC’est là qu’il a été affirmé décidé que certains dossiers, tels que la PAC, ne seraient pas discutés. Et à ce jour, ils ne l’ont pas été ! Or, la PAC est la première cause des dégâts environnementaux de l’agriculture moderne, rien ne changera qu’à la marge si elle n’est pas modifiée. Le ministère refusait également. Il a été demandé de refuser tout débat transversal: celui des OGM a été maintenu, mais nous avons perdu sur les agrocarburants.

 

LCB : Que s’est-il passé sur cette question ?

G.K. : Nous n’obtiendrons pas de moratoire sur les agrocarburants industriels, même si leur bilan énergétique est négatif. Ils dispersent un nuage de peinture verte sur la poursuite du gaspillage énergétique auquel on ne touche pas. Ils entraînent l’augmentation de l’effet de serre et élèvent le prix des céréales. Les subventions qui leurs sont accordées justifient la suppression des stocks alimentaires et des politiques de maîtrise des marchés. Le surcoût de l’alimentation animale augmentera ce qui accélérera la délocalisation des la productions animales ovine européenne -et bientôt bovine- dans les pays du Sud. Ces pays, contraints par la dette, renoncent à leurs cultures vivrières au profit de champs destinés à nourrir nos animaux ou à faire du carburant pour nos les 4x4 et sont dépendants pour se nourrir des surplus agricoles occidentaux, de plus en plus chers. Au lieu de développer les productions locales alternatives (biogaz, huile végétale brutes…) qui sont les seules à avoir un bilan énergétique, financier et social positif, les pays riches perfectionnent ainsi leur arme alimentaire.



LCB : Et dans les autres domaines – OGM, pesticides – peut-on attendre des mesures concrètes ?

G.K. : Sur les OGM, le moratoire est à l’ordre du jour, mais on ne touche pas au monopole de l’industrie semencière qui interdit les semences paysannes et traditionnelles est envisageable (voir encadré). La biodiversité reste un slogan pour quelques plantes et animaux sauvages pendant qu’on continue à détruire la biodiversité « domestique » entretenue par les paysans dans leurs champs, alors qu’elle seule est apte à s’adapter aux changements climatiques en court. SMais sur les pesticides, la FNSEA accepte de dire qu’il faudrait en réduire l’utilisation, mais bloque tout engagement chiffré. Elle accepte de réduire l’utilisation des pesticides mais elle cible une certification qualification qui reprendrait l’agriculture raisonnée sous l’appellation « haute efficacité performance environnementale » (HPEE). La restauration collective bio sera recommandée, mais pas financée par la PAC, et les barrières normatives ou sanitaires qui interdisent son développement à partir des productions locales sont maintenues. Malgré les louanges qui lui sont accordées, la bio n’aura droit qu’au marché pour se développer, sans aucune correction des distorsions de concurrence qui laissent l’agriculture chimique facturer aux contribuables ses dégâts environnementaux, sanitaires et sociaux.

 

LCB : On est donc bien loin des enjeux affichés publiquement par le gouvernement ?

G.K. : Tout dépend de quels enjeux on parle. Des enjeux pour qui ? Le Grenelle va rendre obligatoire une re qualification des exploitations agricoles, ce qui nécessitera des investissements inaccessibles aux petits agriculteurs diversifiés. Dans le domaine du réchauffement climatique, on va justifier des agrocarburants (qui contribuent à le renforcer) ou il est prévu un plan de rénovation de l’habitat qui ne pourra pas être financé par une majorité de citoyens si aucune mesures sociales n’accompagne ce plan, une majorité de citoyens ne pourront le financer. C’est donc le gouvernement qui est ici à la hauteur de ses propres enjeux. L’écologie est devenue un outil au service des bénéfices des entreprises et de l’exclusion sociale et la relance de l’économie. Il ne faut pas être naïf quand on va dans ce genre de réunions. L’Etat vise à instrumentaliser les ONG pour faire du business économique. Faire prendre conscience de cette manipulation est aussi ce qui m’a incité à intégrer les réunions de travail du Grenelle. »

 Propos recueillis par Sophie Chapelle

 

Ogm : un moratoire pour le symbole ?


Fin juillet, on apprend que plus de 21 000 ha de mais génétiquement modifié Mon810 sont cultivés en France. Les Faucheurs volontaires poursuivent leurs actions et usent de méthodes novatrices comme la pollinisation volontaire : on arrose l’arroseur en agitant autour d’une parcelle de semences GM des plantes conventionnelles ou biologiques en fleur afin de les « contaminer » avec du pollen non transgénique. Espéré, le moratoire est débattu prend forme au Grenelle : le 10 septembre, une motion rédigée par un « nombre significatif des membres de l’intergroupe OGM » est transmise au gouvernement pour réclamer un moratoire. La FNSEA défend bec et ongle les essais mais reste très timide face aux cultures GM. Guy Kastler est peu surpris : « Il n’y a plus d’avenir économique à la culture des OGM en Europe. Les consommateurs européens n’en veulent pas. Les firmes semencières développent désormais les OGM dans l’alimentation animale. Comme l’élevage en UE est de plus en plus délocalisé hors d’Europe, les lobbies n’y ont plus d’intérêt. Ils veulent par contre poursuivre leurs « recherches » pour asservir les paysans du sud avec leurs brevets»

 

Le moratoire demande à terme la reconnaissance de la liberté et du droit à produire et consommer sans OGM. Principe politique, il devrait, s’il était adopté, se décliner en mesures techniques impliquant la fin des essais et des cultures. Ainsi, à chaque autorisation d’un OGM par la Commission européenne, la France devrait actionner la clause de sauvegarde. Pour Guy Kastler, « gagner ce moratoire doit surtout servir à dévoiler les nouveaux enjeux relève d’un enjeu symbolique. Une nouvelle bataille se profile avec les plantes brevetées issues de la mutagenèse ou des nanotechnologies. Ses partisans parlent de “sélection assistée par marqueur”, une sélection selon eux traditionnelle. Or c’est une propagande “écologiste” pour faire accepter des nouvelles plantes manipulées non étiquetées mutées. » La rupture avec un système qui ne fait que se repeindre en vert n’est pas pour demain.

 

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