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23/11/2007

Le point : spécial Bourg en bresse

Par Matthieu Noli - Le point du 22 novembre 2007

Les 135 hectares de maïs transgénique plantés dans le département de l'Ain représentent-ils un risque pour les 220 élevages de poulets de Bresse, répartis sur trois départements (Ain, Jura, Saône-et-Loire) ? Un an après la poussée de grippe aviaire, qui avait obligé les éleveurs à confiner leurs volailles (en contradiction avec le cahier des charges de l'appellation), l'AOC poulet de Bresse, qui fête cette année son 50e anniversaire, est-elle à nouveau menacée? Cela ne fait pas de doute aux yeux des militants du Collectif OGM non merci!, qui regroupe une douzaine d'associations dont Attac, les amis de José Bové, la Confédération paysanne et les Verts. Le collectif est monté au créneau dès la diffusion, le 14 juillet, sur le site du ministère de l'Agriculture, de la carte des cultures OGM autorisées, canton par canton.

Certes, il est peu probable que les éleveurs utilisent sciemment du maïs transgénique car ce serait une folie compte tenu d'un récent sondage selon lequel 86 % des Français sont hostiles aux OGM. Mais les militants redoutent une contamination des champs de maïs sain par simple pollinisation. D'après eux, un apiculteur des environs aurait déjà perdu une partie de sa clientèle suisse, convaincue que ses abeilles butinaient des fleurs « infestées » par du pollen transgénique. Comment s'assurer que les poulets, poulardes et autres chapons qui font la gloire de la région ne mangeront pas de maïs transgénique? «Je redoute la réaction du consommateur s'il apprend que son poulet de Bresse a été nourri aux OGM, quand bien même ce serait à l'insu de l'éleveur, s'inquiète Jacques Evieux, de la Confédération paysanne. // pourrait se sentir d'autant plus floué que la législation européenne n 'impose pas la mention "susceptible de contenir des OGM" pour l'alimentation animale. »

Les militants ne décolèrent pas.

Dès le 11 juillet, le Collectif OGM non merci ! a adressé une lettre ouverte au célèbre restaurateur et président du CIVB (Comité interprofessionnel de la volaille de Bresse) Georges Blanc, pour lui demander de prendre position. Sans plus attendre, l'interprofes-sion s'est réunie le 19 octobre pour affirmer son tefus de la présence d OGM dans toute la filière et exiger que des tt sts soient effectués pour s'en assurer. A 1 'Inao, l'organisme chargé le veiller au respect du cahier des charges des différentes AOC, on se montre plutôt satisfait : «Dès lors que ie CIVB s'est positionné, nous considérons que nous avons les garanties suffisantes, estime Christèie Mercier, directrice de cet organisme à l'antenne de Mâcon. Les procédures de traçabilitê existent déjà: il ne devrait pas être trop difficile de faire ces analyses. » Malgré tout, les militants du collectif ne décolèrent pas. « Ce qui nous a scandalisés, affirme leur porte-parole, Gérard Boinon, c'est que sous couvert de transparence nous n'avons été informés que des cantons où ce maïs transgénique a été planté. Or ces quatre cantons regroupent 65 communes et des centaines d'exploitations: le secret est bien gardé pour une technologie ne représentant prétendument aucun danger!' Dès l'annonce du ministère de l'Agriculture, les membres du collectif se sont employés à débusquer les agriculteurs « fautifs » pour comprendre leurs moti­vations et mettre en garde les exploitants agricoles des environs.

Cependant, l'interdiction des OGM ne figure pas dans le projet de nouveau cahier des charges que l'interprofession a soumis à l'Inao l'an dernier. Le vice-président du CIVB, Pierre Bernard, un jeune éleveur de 37 ans, s'en explique : -La révision du cahier des charges est une procédure longue, que nous avons initiée voilà plusieurs années. Elle a été approuvée par 85% des éleveurs. Nous souhaitons modifier l'alimentation de la volaille pour améliorer la qualité et la régularité du produit. » Parmi les mesures envisagées, l'interprofession souhaite augmenter la taille des parcours pour la volaille - celle-ci pourra ainsi puiser davantage de nourriture l'hiver; elle veut aussi construire des linéaires de haies pour que les bêtes aient de l'ombre l'été et ne rentrent pas dans les bâtiments ; enfin, le CIVB voudrait que soit autorisée l'utilisation de compléments alimentaires, en cas de besoin. «Tout cela n'a rien à voir avec les OGM, ajoute Pierre Bernard. Malgré tout, nous préférons quand même appliquer le principe de précaution. »

Et le jeune éleveur de conclure : «De toute façon, ces inquiétudes viennent de personnes qui ne font pas partie de la filière. Chez nous, des producteurs aux transformateurs, tout le monde reste serein. A l'évidence, le CIVB préfère considérer cette affaire d'OGM comme un pétard mouillé plutôt que comme une bombe en puissance

 

21/11/2007

Le Progrès : sur la trace des OGM

Article du mercredi 21 novembre 2007

Que sont devenus les maïs transgéniques ? Ils sont utilisés dans l'alimentation du bétail en auto-production ou à la commercialisation sur le marché des céréales. Sans la moindre traçabilité
 

Que sont devenus les 134 hectares de maïs transgénique semés en juillet dans l'Ain ? Question complexe, tant retrouver la trace des OGM s'apparente à la recherche de l'aiguille dans la meule de foin.
L'organisme génétiquement modifié est bien identifié. Il s'agit du « Monsanto 810 », du nom du fabricant américain basé à Bron. Un OGM capable de lutter contre la pyrale, cette larve qui parasite les tiges de maïs et génère des mycotoxines.
Le site ministériel répertorie les cantons d'implantation, le nombre de parcelles et leur superficie. Ici, Coligny, Montrevel, Saint-Trivier-de-Courtes et Viriat. Rien en revanche sur la localisation. Dans un débat sensible, l'administration et les « pro-OGM » la jouent profil bas.
Regroupés dans le collectif « OGM non merci », les « anti » ont mené l'enquête. Résultat, 85 hectares de maïs transgénique repérés chez trois exploitants : les GAEC Pomat (« La Tournelle », Pirajoux), Michel (« Les Cours », Domsure) et Perthuizet (« Grosbuis », Cormoz), à qui nous avons donné la parole.

Et la transparence ?
Les récoltes sont aujourd'hui rentrées. Elles sont destinées à alimenter le cheptel en auto-production, si ce n'est que la donne a changé entre le semis et la moisson. Le cahier des charges de la future AOC « Beurre et crème de Bresse » proscrit les OGM dans l'alimentation des laitières. Du coup, les éleveurs qui se sont engagés sur la voie de l'appellation doivent écouler leurs stocks transgéniques sur le marché des céréales, ou les réserver à d'autres bétails, aux porcs par exemple.
Le Grenelle environnement a gelé les semences de Monsanto 810 jusqu'à l'intervention législative. « Mais ça ne change rien à la commercialisation » confirme René Romeu, directeur de la DGCCRF de l'Ain. « A partir du moment où la culture de produits OGM est autorisée, on peut les utiliser dans certaines fabrications ».
Philippe Janin, au nom de l'ADABIO s'insurge. « On peut acheter à son insu du saucisson fabriqué avec du cochon nourri aux OGM à 100 %. Seuls les produits végétaux sont soumis à étiquetage au-delà de 0,9 %. Pour le reste, le public n'a droit à aucune information ».
« Nous revendiquons la liberté de produire et consommer sans OGM » poursuit Philippe Janin. Mais quelle est-elle en l'absence de toute transparence ? Comment contrôler la part transgénique dans l'alimentation animale sachant que certains produits (le soja notamment) ne se trouvent plus que sous forme ogémique ? Comment maîtriser la contamination des non-OGM ? Et quels risques court-on à consommer de la viande d'animaux nourris « avec des plantes gorgées de pesticides dans des doses cent fois supérieures aux pulvérisations ?» Il est grand temps que le législateur clarifie le débat.

Marc Dazy

 


«On n'est pas des bandits»

On a fait un essai sur cinq hectares avec du « Coxama », un maïs OGM contre les mycotoxines de la pyrale. Autour, on a semé vingt-quatre sillons de maïs normal de même variété. La différence est flagrante. L'OGM est beaucoup plus vert, il n'y a pas une plante cassée, contrairement aux rangs d'à côté. Et pas besoin de mettre de pesticide dessus.
Certaines années, on traitait la pyrale par hélicoptère ! On en épandait sur les mares, tout le monde en respirait. Sur le colza, on met cinq insecticides. Vu ce qu'on ramasse, je ne sais pas ce qui est le plus dangereux pour la santé. On n'est pas des bandits. On pense aussi à l'avenir. Si on veut nourrir tout le monde, il faudra sûrement passer par les OGM.
On va récolter cette semaine. Mais comme on s'est inscrit dans la démarche AOC « beurre et crème de Bresse », on n'a plus le droit de nourrir nos vaches avec de l'OGM, le cahier des charges l'interdit.
On va le sécher et se débrouiller pour le commercialiser ailleurs. Ceci dit, je me demande comment on va faire avec le soja, parce que trouver du non-OGM, c'est quasiment impossible, à moins de le payer très cher.

 


«On n'a plus le choix»

On avait déjà semé du « Monsanto 810 » l'an passé. Cette fois, on a demandé le maximum : cinquante hectares. Le maïs est uniquement destiné à l'alimentation de nos porcs qui sont commercialisés un peu partout, sur Bourg, Valence
Il n'y a pas photo. Avec du non-OGM, on doit traiter la pyrale aux pesticides. Si on arrive à sauver 70 % de la récolte, c'est déjà bien, et on tombe à 30 % les mauvais jours. Le « Monsanto » lui, est garanti à 100 %. On donne du maïs sain à nos porcs qui intègrent mal les mycotoxines.
Maintenant, on entend tellement de choses, que les OGM restent dans la plante et patati-patata Moi, je vois qu'on enlève les pesticides. En traitant, tous les insectes y passent. Là, s'ils viennent piquer, ils sont toujours là. On dit aussi que les OGM se déplacent à des kilomètres. Mais on n'en a pas trouvé chez le voisin, et on n'a jamais rien trouvé dans le miel. Mais c'est vrai qu'on n'a jamais vu une abeille becqueter du maïs !
Les anti-OGM parlent de nous comme si nous causions du tort à l'agriculture. Mais il y a vingt ans en arrière, sur le maïs de Bresse, il n'y avait pas de mycotoxines. Aujourd'hui, on n'a plus le choix. Moi, je ne peux pas dire « j'arrête du jour au lendemain ». Si on dit non aux OGM, on ne sera pas dans la charrette alors que tout le monde va en faire. Déjà que le porc ne se vend plus qu'un euro le kilo, même pas notre prix de revient, comment on va faire ?
Si on n'a plus le droit d'en semer, on n'en sèmera pas. On vendra le maïs et on gagnera autant que sur le porc.

 


Un dépistage qui coûte cher

Le collectif « OGM non merci » a mené un véritable travail d'investigation. Quitte à tutoyer l'illégalité en pénétrant dans des propriétés privées pour prélever des échantillons suspects Une fois le larcin accompli, ne reste plus qu'à tremper une bandelette de révélateur dans le jus de tige. Comme pour un test de grossesse.
Sauf que la Sécu ne rembourse pas le dépistage OGM. Philippe Janin, le coordinateur de l'ADABIO (association de producteurs bio) sort les chiffres pour l'Ain, l'Isère la Drôme et l'Ardèche. 2579 euros en achats de tests, 5000 euros en analyses sur maïs bio, 700 euros d'analyses sur ruchers, 5500 euros de frais d'huissiers Le tout à la charge des associations, des organismes certificateurs ou des syndicats professionnels. La Région se serait engagée à en financer une partie.

 

07/11/2007

Les mycotoxines dans l’agriculture

L. Ceballos. Les mycotoxines dans l’agriculture. © 31 octobre 2007

 

I- Généralités

 

Les mycotoxines sont des métabolites secondaires produits par les champignons (grec mycos) qui colonisent les cultures. Les mycotoxines constituent un important problème de régulation internationale à cause de leurs effets toxiques et carcinogéniques chez l’homme et les animaux. En effet, ces toxines peuvent être responsables de cancers et leurs concentrations dans les grains sont contrôlées pour des raisons évidentes de santé publique. Par exemple, lesmycotoxinesproduites par Fusariumcomme le déoxynivalénol (DON), constituent les contaminants les plus importants de la chaîne alimentaire et sont directement liées à la santé humaine et à l’économie. A ce titre, ellessont considérées comme des contaminants inévitables des aliments puisque les meilleures technologies disponibles ne peuvent pas complètement éliminer leur présence des aliments (CAST, 2003).

 

Les dommages causés par les insectes sont un des facteurs qui prédispose le maïs à la contamination par les mycotoxines, parce que les insectes créent des lésions au niveau du grain qui favorisent la colonisation fongique, et les insectes eux-mêmes servent de vecteurs aux spores fongiques (Sinha, 1994; Wicklow, 1994; Munkvold & Hellmich, 1999). Par conséquent, toute méthode qui réduit les dommages provoqués par les insectes au maïs réduit aussi les risques de contamination fongique. Il faut souligner aussi que les conditions de conservation des grains jouent un rôle important dans la production de ces toxines et que les différentes variétés de plantes présentent une résistance variable à ces souches fongiques.

 

Par ailleurs, le rôle des itinéraires culturaux dans l’accumulation de mycotoxines est mal connu et l’occurrence de mycotoxines dans les céréales produites par des méthodes biologiques ou conventionnelles est sujette à controverse (Pascale et al. 1998, Champeil et al. 2004, D’Egidio et al. 2006). Jusqu’ici, on ne peut pas conclure qu’un type de culture conduise à des risques accrus de contamination par les mycotoxines(Avantaggiatoa et al. 2007). Pourtant, des preuves s’accumulent lentement et montrent que les systèmes de production biologique renforcent les défenses immunitaires des animaux et la résistance des végétaux aux maladies: ainsi, Champeil et al. (2004) observent une diminution de moitié du nombre de mycotoxines sur les cultures biologiques et un accroissement de la durée de conservation des végétaux.

II- Les mycotoxines dans le maïs

Les mycotoxines sont des toxines produites par les champignons qui vivent sur les grains, en particulier sur les céréales. Ces champignons communément appelés moisissures appartiennent aux genres Fusarium(les toxines sécrétées sont alors appelées fumonisines) ou Aspergillus, en particulier A. flavus (les toxines sont alors appelées aflatoxines) : ces mycotoxines sont les plus importantes en agriculture. Les fumonisines sont trouvées presque exclusivement dans le maïs, alors que les aflatoxines sont détectées dans une variété de cultures comprenant le maïs, coton, arachides, pistaches, amandes, et noix (Robens & Cardwell 2003). Les fumonisines sont produites par le champignon Fusarium verticillioides(avant F. moniliforme) et Fusarium proliferatum (IARC, 2002). Elles ont d’abord été découvertes en 1988 en relation avec deux événements dans deux parties différentes du monde: un taux élevé de cancers oesophagiens humains au Transkei, Afrique du Sud et un taux de mortalité inhabituellement élevé des chevaux et de porcs aux Etats-Unis (Marasas, 1996). Maintenant, plus de 28 types de fumonisines ont été isolées et caractérisées autour du monde, parmi lesquelles la fumonisine B1 (FB1) est la plus commune dans le maïs (Rheeder et al. 2002).


La consommation de fumonisines a été associée avec une incidence élevée de cancers oesophagiens humains dans plusieurs parties d’Afrique, Amérique Centrale, et Asie (Marasas et al., 2004) et parmi la population noire de Charleston, Caroline du Sud (Sydenham et al., 1991). Parce que la FB1 réduit l’absorption du folate dans différentes lignées cellulaires humaines, la consommation de fumonisines a été impliquée dans les pathologies liées au défaut du tube neural chez les bébés humains (Hendricks, 1999; Marasas et al., 2004). Aucun cas confirmé de toxicité aigüe des fumonisines chez les humains n’a été décrit (Wu 2006). Elles peuvent cependant être hautement toxiques pour les animaux, provoquant des maladies telles que leukoencéphalomalacie équine chez les chevaux et oedème pulmonaire porcin (PPE) chez les porcs (Ross et al. 1992).


Les aflatoxines sont produites par le champignon Aspergillus flavus et Aspergillus parasiticus, et sont les plus puissants produits carcinogènes hépatiques connus. Une aflatoxicose aiguë, caractérisée par une hémorragie, des lésions hépatiques aiguës, oedème, et potentiellement la mort, peut résulter de doses extrêmement élevées d’aflatoxines. Plus communs sont les effets sanitaires associés à des niveaux chroniques faibles à modérés de consommation d’aflatoxines. Chez les gens infectés par l’hépatite B et C (commune en Chine et Afrique sub-Saharienne), la consommation d’aflatoxines accroît de plus de dix fois le risque de cancer hépatique (Miller & Marasas, 2002).


Les aflatoxines provoquent un ensemble de pathologies animales aussi. Chez les volailles, la consommation d’aflatoxines aboutit à des lésions hépatiques, une productivité amoindrie, une production d’œufs diminuée chez les poules, une qualité inférieure des coquilles d’oeufs, une qualité inférieure des carcasses, et une susceptibilité accrue aux maladies (Wyatt, 1991). Chez les bovins, les symptômes principaux sont un gain de poids réduit, des lésions hépatiques et rénales, et une production de lait réduite (Keyl, 1978).



III- Les facteurs prédisposant à l’accumulation de mycotoxines



Au champ, les aliments végétaux peuvent être contaminés par des champignons producteurs de toxines, mais la formation de toxines peut aussi avoir lieu après la récolte. Certains fongicides réduisent le nombre de champignons producteurs de toxines mais d’autres aspects de l’agriculture conventionnelle, comme une plus grande disponibilité de l’azote, réduisent l’aptitude des plantes à lutter contre ces pathogènes. D’après le récent rapport de la FAO, les cultures biologiques permettent une diminution de 50% de la fréquence des concentrations toxiques de mycotoxines sur un large éventail de climats, etc. (Benbrook 2005).


La contamination par des toxines naturelles produites par des micro-organismes peut être prévenue par:

- l'élimination des micro-organismes avant qu'ils n'aient produits de toxines, à la fois dans le champ et après la récolte;

- la conservation de la nourriture sous des conditions où ces organismes ne produisent pas de toxines après la récolte/abattage.



1) En pré-récolte



Plusieurs facteurs différents peuvent prédisposer le maïs à la croissance fongique et à l’accumulation de mycotoxines. En pré-récolte, des températures élevées ou fluctuantes, un stress lié à la sècheresse, une incompatibilité de l’hybride de maïs dans la région dans laquelle il est planté, et des lésions d’insectes augmentent les taux de mycotoxines (Shelby et al., 1994; Wicklow, 1994). Comme la sécheresse augmente les dommages liés à l’herbivorie des insectes sur le maïs, il n’est pas réellement possible de séparer ces deux facteurs (Miller, 2001). Notamment, les lésions d’insectes sont universellement reconnues comme facteur collatéral du développement de mycotoxines. Les insectes ravageurs créent des lésions du grain et agissent comme vecteurs de certains types de spores fongiques (Sinha, 1994; Wicklow, 1994; Munkvold & Hellmich, 1999).


Là et seulement là où les insectes ravageurs sont présents, le maïs Bt contiendrait des taux moindres de certaines mycotoxines que les lignées non-Bt. Le maïs attaqué par les insectes foreurs (pyrale) est donc susceptible d’une accumulation de mycotoxines lors de la conservation (Sinha, 1994). Aussi, dans la mesure où le maïs Bt présente des niveaux moindres de lésions d’insectes, il contrôle indirectement l’un des plus importants facteurs prédisposant à l’accumulation de mycotoxines. Dans une étude publiée (Dowd, 2001), les réductions les plus fortes des taux de fumonisines dans le maïs Bt se produisaient quand la pyrale était l’insecte ravageur prédominant; là où d’autres ravageurs étaient prédominants, les réductions des taux de fumonisines dans le maïs Bt étaient moins significatives. Dans ces conditions, les concentrations de fumonisines dans les grains de maïs Bt étaient souvent inférieures à 4 mg/kg, avec une proportion significative en dessous de 2 mg/kg.


Comparé au cas des fumonisines, les lésions causées par les insectes ravageurs sont moins fortement corrélées avec les concentrations d’aflatoxines dans le maïs, car de multiples facteurs prédisposent le maïs à l’accumulation de cette mycotoxine. Par exemple, les insectes lépidoptères qui sont contrôlés par la protéine cristalline dans les hybrides Bt existants ne sont pas aussi importants dans la prédisposition des plantes à l’infection par A. flavus qu’ils le sont pour F. verticillioides et F. graminearum. De plus, A. flavuspeut infecter le maïs non seulement par les lésions aux grains causées par les insectes, mais aussi par les soies. Cela pourrait expliquer pourquoi l’effet du maïs Bt sur la concentration d’aflatoxines n’est pas aussi important.


En effet, des essais au champ sur la réduction d’aflatoxines dans le maïs Bt montrent des résultats contrastés. Dans différentes régions des Etats-Unis, le maïs Bt peut avoir ou pas de taux d’aflatoxines inférieurs à leurs contreparties non Bt, en fonction du type d’insectes et des conditions d’infection du maïs. Ainsi, la relation entre le maïs Bt et la réduction d’aflatoxines dépend de la technique d’inoculation par A. flavus (Williams et al. 2002) : si les grains sont inoculés par une technique avec lésions (aux grains), les taux d’aflatoxines entre le maïs Bt et non-Bt ne sont pas différents. D’autres études ne montrent aucun effet significatif du maïs Bt, ou des résultats contrastés. Par exemple, alors que le Bt11 et MON810 avaient significativement moins de lésions que le maïs non-Bt, il n’y avait aucune différence significative des taux d’aflatoxines entre les deux groupes (Buntin et al. 2001). Les auteurs concluent que d’autres facteurs, tels qu’un stress hydrique et la vulnérabilité individuelle de l’hybride, étaient plus importants pour déterminer les niveaux de contamination des aflatoxines que les lésions d’insectes.



2) En post-récolte



En post-récolte, les mauvaises conditions de conservation telles qu’une humidité élevée, la présence de champignons en pré-récolte, la présence d’insectes sur les grains conservés peuvent toutes contribuer à un développement fongique ultérieur et à l’accumulation de mycotoxines dans le maïs (Sinha 1994). De plus, durant la conservation, les insectes créent des lésions aux grains et disséminent les spores fongiques qui provoquent une accumulation supplémentaire de mycotoxines en post-récolte.


Bien que des conditions de conservation mal contrôlées posent un risque majeur pour la formation de mycotoxines (Elmholt 2003), un conseil approprié sur l’amélioration des installations de conservation suffit pour éliminer ce problème (Elmholt 2003). Dans les zones où la qualité de conservation et de traitement est similaire pour les produits conventionnels et biologiques, la plus grande résistance aux maladies des plantes cultivées en bio réduira le risque de contamination. Après la récolte, quand les traitements pesticides sont bannis en agriculture conventionnelle, les mécanismes de résistance accrue aux champignons due aux défenses naturelles des plantes continueront à s’exprimer pendant le stockage. A l’égard de la susceptibilité aux maladies, la présence de mécanismes de résistance accrue aux maladies dans les plantes cultivées en agriculture biologique réduit aussi les pertes au stockage causées par la pourriture et les moisissures. Par exemple, les céréales biologiques ont un taux plus faible de mycotoxines (Benbrook 2005) et organic Swiss chard a une durée de conservation plus longue (Moreira et al. 2003).



IV- Signification évolutive des mycotoxines



Comme l’a souligné Feeny (1976), « c’est un précepte de l’écologie moderne que l’énergie ne soit pas gaspillée dans la production de métabolites secondaires à moins qu’il n’y ait quelque avantage sélectif compensateur pour l’organisme en question ». Pour tout organisme, la production d’une molécule (ici, les toxines) a un coût métabolique qui doit être compensé par un avantage lié à la sécrétion de ces toxines. C’est la raison pour laquelle même les souches productrices de mycotoxines ne les sécrètent que s’il existe un stress environnemental (sécheresse, pénurie de substrats favorables à la croissance du champignon) : dans ces conditions de stress où la compétition entre organismes est exacerbée, la production de mycotoxines permet au champignon de préempter le grain qu’il envahit en « l’empoisonnant » pour d’autres organismes qui l’aurait consommé sans cela. L’avantage compétitif qui en résulte ne saurait exister en l’absence de stress puisque s’il y a abondance pour tous les organismes du milieu, la préemption du substrat n’apporte aucun avantage au champignon producteur et la sécrétion de mycotoxines représente alors une dépense métabolique qui n’est compensée par aucun avantage : une telle souche qui produirait ces toxines en l’absence d’avantage compensateur serait contre sélectionnée car les souches économes auraient alors un avantage reproductif et se répandraient dans l’espèce. Il existe donc une variabilité dans la production de ces mycotoxines qui est liée à la variabilité génétique des souches fongiques qui s’explique par la variabilité des conditions environnementales. Certaines souches produisent plus et d’autres moins de mycotoxines, et ce polymorphisme est maintenu par la variabilité des conditions environnementales auxquelles les champignons sont soumis.



V- Conclusion



La production d’une alimentation de qualité pour une population mondiale croissante demeure un défi majeur du XXI° siècle, et il devient évident que ce but ne saurait être atteint sans maintenir la fertilité des sols et le fonctionnement des écosystèmes. Sur le plan sanitaire, le contrôle des aliments et la recherche de contaminants comme les mycotoxines sont régulés au niveau international.


En ce qui concerne la sécurité alimentaire, de nombreux aspects de l’agriculture biologique (diversité et rusticité des variétés, diversité des itinéraires culturaux) réduisent les risques relatifs aux pathogènes (zoonoses), mycotoxines, toxines bactériennes et polluants industriels toxiques, par comparaison avec l’agriculture conventionnelle (Champeil et al. 2004, Avantaggiatoa et al. 2007). Par exemple, la protection du maïs Bt contre les insectes foreurs contrôle indirectement l’accumulation des mycotoxines en diminuant le nombre de lésions au maïs, et par voie de conséquence, la colonisation du maïs par le champignon.


Cependant, les différentes conditions climatiques et les caractéristiques du génotype jouent un rôle déterminant sur la croissance des champignons producteurs de toxines et la possible accumulation de mycotoxines. Les études passées en revue confirment ainsi l’influence et la prépondérance des facteurs environnementaux et génétiques sur les caractéristiques qualitatives en agriculture biologique. Contrairement à des solutions simplistes qui prétendraient maîtriser les contaminations fongiques par l’adoption de variétés GM, la maîtrise de ces contaminations passe par la caractérisation des génotypes et des itinéraires culturaux, et de leurs conséquences sur l’accumulation de mycotoxines.




VI- Bibliographie



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