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12/07/2009

Le défi du partage équitable des semences agricoles

En un siècle, les trois quarts de la diversité des plantes cultivées
se sont volatilisés. Sur les quelque dix mille plantes vivrières ayant
nourri l'humanité, 150 sont encore cultivées et une douzaine procure
80 % de l'alimentation végétale mondiale. A eux seuls, le riz, le blé,
le maïs et la pomme de terre couvrent 60 % de ces besoins. Cette
érosion de la diversité génétique, dans un monde toujours plus peuplé
et menacé par le réchauffement climatique, constitue un risque
alimentaire : peut-on se permettre de laisser disparaître des espèces
résistantes à la sécheresse, ou des variétés rustiques, robustes vis-à-
vis de maladies et d'insectes qui pourraient un jour anéantir les
plantes vedettes des systèmes de monoculture ?
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Pour tenter de sauvegarder cette biodiversité, le Traité international
sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et
l'agriculture prévoit la mise en place d'un système de conservation et
d'échange multilatéral des semences. Il vise un partage équitable des
bénéfices tirés de l'exploitation de ces ressources végétales entre le
Sud, où se trouve la biodiversité, et le Nord, où les semenciers
peuvent en tirer profit. Mais le mécanisme de ce traité, adopté en
2001 sous l'égide de l'Organisation des Nations unies pour
l'alimentation et l'agriculture (FAO), peine à se mettre en place.

La troisième session de l'organe directeur du Traité, qui s'est
déroulée en juin à Tunis, a bien failli tourner court, en raison de
divergences de vues entre pays du Nord et du Sud, mais a finalement
permis quelques avancées. Les 121 Etats membres du Traité sont tombés
d'accord sur la création d'un fonds visant à encourager la
conservation "en champ" de semences dans les pays en développement et
la recherche de variétés résistantes à la sécheresse et aux maladies.

Ce fonds devrait disposer de 116 millions de dollars (84 millions
d'euros) d'ici à 2014. Il est destiné à "faire la soudure" avec les
revenus attendus du mécanisme du Traité : celui-ci prévoit en effet
que 1,1 % des ventes de semences issues du système d'échange
multilatéral doivent revenir au fonds, qui redistribue ensuite les
sommes à des projets de conservation des semences. Or il faut souvent
plusieurs années avant que la sélection d'une semence débouche sur une
variété commerciale. Le Traité était donc au point mort : les pays du
Sud hésitaient à partager leur patrimoine génétique, en échange d'une
rétribution hypothétique.

Pour Guy Kastler (Confédération paysanne), qui représentait, à Tunis,
Via Campesina, un rassemblement international d'organisations
paysannes, ce fonds "ne résout que provisoirement la question
financière : le secrétariat reste soumis à la bonne volonté des Etats,
qui maintiennent le Traité sous perfusion". La réunion de Tunis a
cependant permis de retenir onze projets dans les pays du Sud, qui
vont bénéficier chacun de 50 000 dollars (36 000 euros). "Ce sont des
projets très intéressants, notamment celui du Pérou, note M. Kastler.
Mais les sommes allouées bénéficient souvent aux universités qui les
pilotent. Nous aurions préféré qu'elles aident directement les paysans."

A Tunis, plusieurs nouvelles collections de semences ont été associées
au système multilatéral : l'Europe partagera 230 000 échantillons et
le semencier français Promaïs va aussi mettre ses 2 500 variétés à
l'échange. "La France est la première à proposer une collection privée
au Traité", se félicite François Burgaud, du Groupement national
interprofessionnel des semences (GNIS), qui faisait partie de la
délégation française.

"La collection Promaïs est à l'origine une collection de l'Institut
national de la recherche agronomique (INRA), un institut public. Et
ces ressources étaient déjà accessibles", tempère M. Kastler, qui
regrette que la délégation française ait fait place aux semenciers
"mais pas aux paysans".

La position de la France vis-à-vis du Traité reste ambiguë. Elle n'a
pas encore versé un centime dans le fonds ni ratifié les autorisations
de transfert de matériel génétique prévues par le Traité. Elle ne
reconnaît pas certains droits des paysans sur leurs semences de ferme
et hésite encore sur le statut juridique à donner aux semences en
général.

Le "Traité des graines" est pourtant stratégique pour la France : son
industrie semencière - la deuxième du monde - n'est pas suffisamment
solide dans les nouveaux rapports de force induits par la Convention
sur la diversité biologique (1993), qui place les ressources
biologiques sous la juridiction des Etats nationaux. Les pays à forte
biodiversité, au Sud, peuvent désormais faire monter les enchères vis-
à-vis des pays du Nord. Cela vaut pour les cosmétiques, les
agrocarburants, la pharmacie et, bien sûr, l'agriculture.

Les Etats-Unis, qui sont rompus aux bras de fer bilatéraux, tout
comme, côté Sud, les géants brésiliens et chinois, n'ont pas signé le
"Traité des semences", pas plus que le Japon. Et le soja, la canne à
sucre, l'huile de palme et l'arachide ont été exclus des plantes
échangées au sein du Traité.

Les choses pourraient cependant évoluer. "L'administration américaine
a fait un pas auprès du Sénat pour ratifier le Traité, indique Clive
Stannard, conseiller spécial du secrétariat du Traité. Il est vrai que
son industrie est demandeuse de plus de sûreté légale : elle ne veut
pas se trouver accusée d'avoir volé des gènes." Or le Traité des
semences doit en principe éviter de tels litiges : il prévoit un
système de traçabilité des ressources, avec la FAO en arbitre. "Ce
traité offre un modèle de tutelle sur un bien public international,
tout en respectant les règles du marché, résume M. Stannard. On
invente pièce par pièce quelque chose qui n'a jamais été fait."
Hervé Morin

LE MONDE | 08.07.09
http://www.lemonde.fr/planete/article/2009/07/08/le-defi-...

Commentaires

On pense aujourd'hui aux plantes cultivees pour ne pas les chercher un siecle apres. Tres bien.

Écrit par : Bizon - phone card prepaid | 03/12/2009

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