14/07/2008
Question à Gérard Boinon
« Pour une agriculture durable, innovante sans OGM »
Secrétaire général de l'association Res'OGM Info,
née en 2005 avec le soutien de la Région,
membre du collectif « OGM Non merci » créé
dans l'Ain en 2001, Gérard Boinon sera l'un des
intervenants du débat* organisé ce vendredi, à
Bourg, à l'initiative d'Artisans du monde et du
Comité Catholique contre la Faim et pour le
Développement.
Pourquoi vous êtes-vous intéressé à la question
des OGM (organismes génétiquement modifiés) ?
En 1997, j'étais secrétaire général de la confédération paysanne Rhône Alpes. Les OGM venaient d'apparaître en Isère. On n'en savait pas grand-chose, sauf qu'il fallait racheter des semences chaque année : 1 million de paysans n'a pas les moyens d'acheter ces semences. Avant même la possible incidence sur la santé, la question qui s'est posée, c'est celle de la survie des paysans face aux multinationales.
Les OGM : chance ou danger pour les paysans, le consommateur, l'industrie ?
Avant on faisait de la sélection, des greffes d'un arbre sur un autre arbre. Là c'est tout autre chose, on transgresse les espèces. L'échec le plus flagrant c'est la tentative d'introduire un gène de poisson dans la fraise pour en assurer le transport : ça n'a pas marché ! Aujourd'hui 98 % des OGM concernent 4 plantes (le soja, le maïs, le colza et le coton), 2 % des essais le riz, la vigne et le bois.
Le danger pour le paysan est lié à cette obligation d'acheter chaque année des semences. Lié aussi aux risques de pollinisation des parcelles plus ou moins lointaines. Ajouter à cela qu'on a introduit dans le maïs un gène qui lui permet de résister à la pyrale et qui produit une toxine... 500 tonnes à l'hectare : je n'ai pas envie de donner ça à mes bêtes ! Des tests ont été faits sur des rats en Angleterre et Australie qui ont montré une modification du système sanguin et digestif. En Iowa, on a montré qu'il fallait 30 mois pour éliminer cette toxine du sol et qu'on la retrouvait dans les rivières avec incidences sur la fécondation des crusta-cées. Bon ou mauvais pour le consommateur : je ne sais pas, mais cela mérite de se poser la question. Pour l'amiante, on savait en 1904 : il a fallu attendre 2002 pour l'interdiction. Peut-être vaut-il mieux ne pas attendre que ce soit irréversible pour faire quelque chose ! Les OGM c'est une chance pour les 5 transnationales qui se partagent le marché des semences !
Les OGM solution à la faim dans le monde, vous y croyez ?
Je prouve le contraire ! La faim dans le monde ne se réglera pas par une agriculture industrielle, mais par une agriculture familiale et paysanne. La vocation du paysan français n'est pas de nourrir le paysan sénégalais. Les produits basiques (blé, riz, poulet, etc.) doivent être produits dans chaque pays. Les surfaces agricoles diminuent à cause de l'industrialisation (dans l'Ain, 3 000 paysans ont disparu en 12 ans) et on tente de nous faire avaler les OGM via les agro carburants. Si on introduit comme prévu 10 % de diester dans le gasoil et 10 % d'éthanol dans l'essence, il faut y consacrer 72 % de la surface agricole utile française. Cela se fera donc dans des pays où les paysans n'ont pas de titre de propriété. Au Cameroun, au Brésil, en Papouasie : on brûle la forêt pour mettre des palmiers à huile, ou de la canne à sucre ! On passe d'une culture vivrière à une culture intensive ! Les usines sont construites : il faut les faire tourner ! Se pose outre la question écologique, celle de la souveraineté alimentaire et des prix. Chaque fois que les prix mondiaux augmentent de 1 %, 16 millions de personnes tombent dans une pauvreté extrême!
Quelles alternatives?
Il faut revoir le système des aides, notamment de la PAC. Passer d'une aide à l'hectare à une aide à la qualité, à l'entretien des espaces, à la reconversion biologique. Avec le film « Cultivons la terre » qui sera projeté vendredi à Bourg dans le cadre de la campagne « L'agriculture est malade, soignons la PAC » nous montrons qu'il y a d'autres solutions : j'utilise depuis 20 ans le tri-chogramme pour lutter contre la pyrale, une sélection participative sur l'orge est conduite avec des paysans et chercheurs en Jordanie, Dominique Vianney utilise des insectes auxiliaires (coccinelles, etc.) à la place des insecticides, Yves François, en Isère, pratique le désher-bage mécanique du maïs, Claude Bourguignon pratique la technique sans labour (on gagne 5 tonnes de carbone à l'hectare), etc. Lutte biologique, respect des sols, circuits courts de commercialisation, sont quelques-unes des alternatives. Il s'agit souvent de pratiques agricoles oubliées améliorées par la recherche scientifique !
RECUEILLIS PAR CHANTAL LAJUS Au cinémateur à Bourg, le 13 juin à 20 h : projection du film Cultivons la terre et débat « L'agriculture est malade, soi-gnonsla PAC». Avec Alain Millet, « La hausse des prix », avec Emmanuel Hyvemat, « Changer nos modes de consommation », avec Jean Luc Roux « Le commerce équi-table comme levier d'une plus grande autonomie des pays du sud».
14:00 Publié dans La presse locale | Lien permanent | Commentaires (0)
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